La part de l'aube (Éric Marchal)



Eric  Marchal, La part de l'aube, Editions France Loisirs/Editions Anne Carrière 2013. 1039 pages


Cette édition s'ouvre avec la reproduction d'un message manuscrit de l'auteur à ses lecteurs."Je vous invite à ce voyage romanesque dans le Lyon des Lumières où le plus incroyable est parfois le moins inventé. .."

En effet, avec ses 1000 pages, c'est un long voyage. On y fréquente les milieux des soiries, l'imprimerie, de l'édition, du théâtre  et de la première gazette sur l'actualité locale. En mode de saute-chapitres dates d'une date du calendrier de 1777-1778, on suit la vie d'une dizaine de personnages qui sont tous plus ou moins reliés les uns aux autres dans le petit monde des intellectuels critiques de l'époque. Le prétexte de cette farandole de personnages est la découverte d'écrits d'un druide qui pourraient démontrer que les Gaulois n'étaient pas ces barbares dont les Francs ont prétendu devoir remplacer "le manque de civilisation". Les agents de roi de France vont donc essayer, par tous les moyens (1000 pages de moyens !) mettre la main sur ce document compromettant pour sa légitimité.

Vous avez raison. L'Église est l'alliée de la noblesse: la chrétienté  ne veut pas de ces Gaulois païens, de ces ancêtres honteux qui vénéraient plusieurs Dieux, elle préfère les Francs convertis à leur religion...

Subissant et dépassant les coups bas des officiers du roi, les personnages nous entraînent dans leurs amours et leurs projets professionnels.

Dans les déchirements…

(un couple se défait après la mort de leur enfant) Il tenta de se culpabiliser de ne pas avoir répondu à sa main tendue, mais n'y parvint pas. Il n'aurait pas donné  une semaine de vie commune à leur couple tant leur différence était devenue criante depuis la disparition de Jacques. Leur seul point commun était un ange. Mais il avait cessé de croire au paradis.

Comme dans les rapprochements… (belle anthologie du passé simple…)

Leurs mains se caressèrent du bout des doigts, puis des paumes, elles virevoltaient de l'un à l'autre, se cherchant,s'unissant, se quittant pour mieux se retrouver. Leurs visages s'approchèrent lentement l'un de l'autre, sans fureur, sans violence.Toute la force de leur passion était dans la douceur de leurs festes. Leurs joues se frôlèrent, leurs bouches s'effleurèrent, s'amadouèrent et s'ouvrirent l'une à l'autre. Leurs regards avaient plus d'intensité  que l'orage lui-même. Leurs corps étaient une scène tendue de soie sur laquelle dansait leur désir. Ils ne faisaient plus qu'un.

 Ainsi on en apprend sur les méthodes de travail des différents métiers de l'époque sans que cela ne devienne trop didactique.

L'homme avait découvert en mâchant des brins de soie la manière d'obtenir un éclat particulier, qui devint celui des taffetas lustrés de Lyon. Pour le reproduire, les bailleurs d'eau devaient humidifier la soie, puis la brûler afin de la sécher au moment idéal. Le tour de main faisait la différence et certains d'entre eux pouvaient y gagner des sommes considérables.

Et  on se promène  dans Lyon.

Derrière  lui, l'horloge astronomique  se mit en marche. Il perçut le déplacement des automates, le souffle de l'oscillateur, les cliquetis des roues dentées, la vibration du tambour et attendit qu'elle se fût tue avant de se retourner et de quitter l'église.

On y croise même des personnages historiques comme Diderot et Mesmer.

Le style est agréable avec un bon nombre de phrases bien tournées.

Marc disait qu'il n'était qu'une balle de coton brut avant de me connaître et que je l'ai cardé pour en faire une étoffe  fine.

J'espère que les lecteurs de cette région apprécieront la description de la beauté de la femme lyonnaise (de cette époque...)

Le teint n'est ni blafard, ni trop bruni, les cheveux sont souples et fins et rappellent la soie que tissent leurs maris ou amants, la constitution est robuste sans être trop charpentée, la croupe est ferme et rebondie.

En annexe, l'auteur nous offre quelques pages de précisions  historiques et une quinzaine de ressources bibliographiques.

Ouvrage fascinant si on a la patience de passer autant d'heures en ce temps et en ce lieu.

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