Les rėputations (Juan Gabriel Vasquez)

Juan Gabriel Vasquez, Les Réputations. trad. Seuil. 2014. 188 pages


Sur la 4ieme de couverture, l’éditeur a écrit:

"Juan Gabriel Vasquez poursuit dans ce magistral roman son exploration du passé, des failles dela mémoire et du croisement de l’intime et de l’Histoire. Mais il livre surtout une intense réflexion sur les conséquences parfois dévastatrices de l’effacement des frontières entre vie privée et vie publique dans un monde où l’opinion et les médias détiennent un pouvoir grandissant."

Ce n’est vraiment un roman historique. Il se passe en Colombie, il y a quelques années. Mais son sujet est proprement “historique” car il traite du rôle des médias dans la vie publique… et privée. Il est inutile de rappeler les divers cas qui, encore récemment, ont transformé un fait de vie privée en tsunami détruisant toute vie publique sur son passage.

Le personnage principal est un caricaturiste politique, après avoir pris de grands risques au cours de sa carrière, se trouve dans la position d’un pontife médiatique. Un malentendu l’amène à  détruire la carrière d’un homme politique, lequel finit par se suicider.

Monsieur  Mallarino, commença-t-elle, et l'intéressé vit les carnets à spirale en alerte et les stylos dressés sur le papier comme des phallus. Nous sommes tous d'accord, de même que l'opinion publique, pour dire qu'Adolfo  Cuellar est tombé en disgrâce quand votre caricature a été publiée. Ma question, notre question, est donc la suivante : vous sentez-vous en quelque sorte coupable de sa  mort?"

Bien que l'histoire soit racontée du point de vue du caricaturiste,  le lecteur peut partager, dans le dernier tiers du roman, la descente aux enfers de celui qu'il a par erreur accusé d'un acte pédophile qu'il a cru voir.

Quel étrange mécanisme que celui qui transforme une attaque journalistique en sables mouvants sur lesquels il vous suffit de trépigner pour vous enfoncer davantage, irrémédiablement.


Le tout est raconté dans un style sobre, qui a des recours retenus aux images qui décrivent sans alourdir.

Dehors , la ville s’était assombrie - nuages bas, vêtements foncés des passants et bruit métallique des parapluies qui s’ouvraient de partout - et l’averse se déchaîna

...

il se fraya un passage dans les couloirs (dont l’éclairage blafard creusait des cernes sous les yeux des gens), se dirigea vers le casier gris, tendis le bras et sa main, précise, cette même main qui pouvait dessiner avec exactitude des angles à quatre-vingt-dix degrés sans avoir besoin d’instrument, inséra la clé dans la serrure comme un chevalier médiéval aurait enfoncé la pointe de sa lance dans la poitrine de son adversaire.

...

La veille, il avait fait l’amour avec le souvenir d’une femme et non avec la femme qui était près de lui, comme lorsque après avoir marché sur une pierre, on continue de sentir la forme du caillou sur sa voûte plantaire.

Donc, un roman précurseur  des nombreux drames  causés  par le manque de jugement et de temps vérification  des tribunaux médiatiques… d'autant plus qu'ils se multiplient sur internet… se livrant å une course effrénée å l'exposition de scandales dont ils n'ont plus ni le temps ni l'éthique  de vérifier la véracité. 





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