Le regard du diable (Hervé Michel)
Hervé Michel, Le regard du diable. City Editions 2019.286 pages. (BANQ M6232r)
Pendant que je lisais ce livre, j'ai retrouve une citation de Siegfried Kracauer qui décrit bien le contenu de, ce roman.
"Ce qui unit [les romans d’auteurs comme Conan Doyle, Gaboriau, Maurice Leblanc, Sven Elvestad et Paul Rosenhayn] et les caractérise tous est l’idée dont ils témoignent et qui résident à leur production : l’idée de la société civilisée parfaitement rationalisée, idée qu’ils comprennent d’un point de vue radicalement unilatéral et qu’ils incarnent sous une forme stylisée par la réfraction esthétique. Ce dont il s’agit dans ces romans n’est pas la reproduction fidèle de cette réalité qu’on appelle civilisation, mais bien plutôt, et dès le début, l’accentuation du caractère intellectualiste de cette réalité. Ils présentent au caractère civilisateur une glace déformante d’où le regarde fixement la caricature de sa propre monstruosité. L’image qu’ils présentent est assez effrayante : elle montre un état de la société où l’intellect sans attaches a conquis sa victoire finale ; une coexistence et une confusion purement extérieure des personnes et des choses qui paraissent ternes et déconcertantes parce qu’elles défigurent jusqu’à la caricature la réalité artificiellement éliminée. Au caractère international de cette société que vise le roman policier correspond son domaine d’application international ; à son uniformité dans les différents pays correspond l’indépendance de sa structure par rapport aux particularités nationales. »
Siegfried Kracauer, Le roman policier (Petite Bibliothèque Payot, (2001)
Les crimes se passent à l'Isle en 1808 durant le règne de Napoléon. L'éditeur annonce un "roman policier historique". Mais on en apprend peu sur les particularités de la société de l'époque. Certes les personnages se saluent s'appelant "citoyen" et les policiers venant de Paris pour résoudre le mystère de meurtres "incomprehensibles" sont des officiers de la Grande Armée.
Mais il n'est pas nécessaire d'avoir visité dix fois le tombeau de Napoleon pour suivre le déroulement de l'intrigue... par ailleurs fort habilement construite. L'auteur nous tient en haleine jusqu'a la fin.. peut-être un peu précipitée.
L'auteur fait avancer l'action sans trop chercher a nous convaincre de ses connaissances historiques. Il lui arrive d'ajouter en fin d'action dans un lieu un court paragraphe de "couleur locale" sans que cela ne participe vraiment au déroulement de l'histoire.
- Sur le sofa, un gros homme au facies écarlate transpirait abondamment dans son frac trop étroit, en bavant sur les seins d'une fille qu'il venait d'extirper de leur écrin de dentelle et qu'il malaxait mécaniquement.
Et s'il ne nous parle pas vraiment de cette société, il s'arrête souvent â la descrjption détaillée des lieux.
-Le sol, en marbre blanc, était agrémenté de volutes dorées. Les hautes fenêtres, surplombées de moulures représentant des angelots , étaient habillées de grosses tentures de velours rouge brodées de fils d'or. Tout au fond, une grande cheminée, surmontée d'un miroir qui atteignait le plafond, dispensait une bonne chaleur à la cinquantaine de convives présents.
Un bon roman policier... qui se passe à une autre époque.
Commentaires
Publier un commentaire