Le sourire du prince Eugène (Michel Peyramaure)

Michel Peyramaure, Le sourire du prince Eugène, Calmann-Lévy, 2017, 363 p. (BANQ P515s)


L'auteur est une machine à romans historiques. Il a en a publié des dizaines. Plusieurs tournent autour des années de la charnière 1800 en France.

Cette fois, il imagine les mémoires d'Eugène, fils de Joséphine de Beauharnais, première épouse de Napoléon Bonaparte. Évidemment, il s'inspire de ce qu'on sait du personnage à travers les correspondances et les mémoires de ses contemporains.

L'auteur sait nous faire entrer dans le "petit monde" familial du petit caporal qui se prenait pour un grand homme. On découvre les "petitesses" de ce que les admirateurs de ce dernier continuent à vouloir oublier : les massacres gratuits, les destructions commandées, et, surtout, les agonies horribles de centaines de milliers d'hommes par le froid et la faim, le viol systématique des femmes abandonnées (en toute connaissance de cause) à des soldats rendus fous par des batailles ne servant qu'à une chose : la gloire d'un homme.

-Difficilement remportée, cette bataille marquait le début d'une série de victoires tout aussi incertaines où la jeunesse de notre pays allait payer de sa vie la gloire impériale… Quel gâchis monstrueux de vies humaines, que d'illusions perdues pour en venir là...

Certes Eugène, nommé prince par son beau-père, avec mandat de gouverner une partie de l'Italie (l'autre partie étant confiée à Murat , ce général à la fidélité fort aléatoire), ressentait une grande loyauté envers ce dernier. Mais - du moins dans les mots que lui prête l'auteur - il conserve un regard assez critique sur les choix stratégiques de l'empereur.

Je ne m'attarderai pas sur la diabolique machination de l'Empereur pour priver la péninsule ibérique de son souverain afin d'y substituer une d ses créatures, faisant ainsi de ce pays attaché à sa civilisation millénaire, à ses mœurs et à la religion romaine une colonie de la France.

Le lecteur a l'impression qu'Eugène était plutôt fasciné par le destin dramatique de Bonaparte, dès les premières heures de son passage à l'avant-scène de l'Histoire. Mais il avait de la difficulté à comprendre la facilité avec laquelle les populations acceptaient les conditions qu'on leur imposait.

Je demeure indigné devant la résignation - voire la lâcheté - de ces gens, surtout des autorités, face à des comportements qui risquaient de compromettre l'indépendance millénaire de la Sérénissime République (Venise).

On s'étonne de la place que les familles Bonaparte et Beauharnais ont occupé sur la scène politique française, même après la chute finale de celui qui les avait sorties de la plus obscure des origines. On partage les secrets des uns et des autres, dans une ronde de mariage arrangés. A travers ces unions et les infidélités chroniques qui les accompagnent, on traverse le divorce d'avec Joséphine sans grands éclats.

Hortense me rassura : notre mère semblait décidée à accepter la fin de sa gloire, tout en espérant que l'Empereur lui gardât son affection, à défaut de son amour.

En fait, je crois que cette fréquentation des deux familles nous apprend à comprendre la fascination que Napoléon a pu exercer sur ses contemporains et sur leurs descendants. Car, comme le dit le prince Eugène (ou on le lui fait dire):

-Je m'étais souvent montré critique envers Napoléon, me disant que le génie qui l'habitait était sujet à éclipse. Le vent de l'histoire en menaçait parfois la flamme, à la suite d'une erreur ou d'une maladresse, mais elle reprenait bien vite chaleur et lumière.

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