Les Orchidées Rouges de Shanghai (Juliette Morillot)
Juliette Morillot Les Orchidées Rouges de Shanghai, Presses de la Cité 2001. 531 pages
Ma génération a été régulièrement soumise aux rappels des évènements dramatiques qui ont marqué les années '40. Certes nous n’avions pas connu, sur nos terres, les effets immédiats de ces événements. Mais on nous les à racontés et on nous en a montré des images qui ont imprégné notre vision de l’Histoire des peuples, du moins… des peuples dont les territoires touchent à l'Atlantique Nord et à la Méditerranée occidentale (,Combien de Québécois ont une idée de l’histoire des États allemands avant la période du gouvernement nazi ? ).
Il arrive quelquefois, au hasard d'une visite de chef d’état dans un pays asiatique qu’on fasse référence aux très durs événements vécus par les habitants de ces pays durant ce que nous appelons la « deuxième guerre mondiale ». C'est le cas du douloureux contentieux entre la Corée et le Japon alors que l’armée de ce dernier pays a forcé des milliers de Coréennes à devenir des « femmes de réconfort », de véritables « esclaves sexuelles » des soldats nippons dans tous les pays occupés. Il est difficile d'imaginer le calvaire vécu par ces femmes.
L’auteure de ce roman est une spécialiste de la Corée S’inspirant de témoignages, elle raconte le chemin parcouru par une jeune Coréenne : son enlèvement par des collaborateurs de l'occupant, son transport vers les différentes zones de combat (particulièrement en Chine), les humiliations, les dégradations physiques et psychologiques… mais aussi les rares moments d’affection avec des femmes et des hommes embourbés dans le même univers.
-Malgré les circonstances tragiques nous nous lançons dans une folle course-poursuite d'interrogations et de réponses, mue par cette soif inextinguible de l'autre qui pousse les amants à demander, demander, plus et encore, cent questions renouvelées, futiles ou graves qui cherchent à cerner l’impalpable, l'invisible, la profondeur d'un être humain.
Bien que la plus grande partie de l'histoire se passe en Chine occupée ( d'où le titre), nous suivons la jeune femme à travers différentes régions envahies par les soldats japonais. Et on y rencontre, avec elle, des femmes qui se racontent et s'expliquent.
-On croit que le voile cache la femme, la réduit à une ombre momifiée Au contraire, en la protégeant des regards, le voile sublime sa beauté, la rend mystérieuse et diaphane, laissant à l'imagination le loisir de rêver ses traits à partir d'une pupille entraperçue sous une frange de cils noirs ou, devant une main fine dépassant d’une manche, de penser les caresses qui feraient ployer ce corps interdit.
Mais les explications les plus « intéressantes » proviennent des officiers japonais
-Tu sais, dans notre pays, il ne fait pas bon être prisonnier de guerre. Un prisonnier pour nous est un homme mort. Il n'existe plus. Rayé de l’armée, rayé de la vie, rayé de sa famille. Il est mort pour son pays, rayé de sa famille. Pour les Occidentaux, un captif blessé à de l'honneur. Il s'y accroche comme à une bouée de sauvetage et s’attend à être traité selon son rang.
Ce extrait ne vous rappelle-t-il pas (pour les plus vieux) le célèbre film « Le pont sur la rivière Kwaï » dans lequel Alec Guiness interprétait un officier britannique se confrontant à la culture d'un chef de camp japonais ?
Donc un livre qui, malgré quelques longueurs, nous fait découvrir un monde et une époque passés sous le radar de nos cours d'histoire, ce qui pourrait nous sensibiliser aux événements continuant à hanter les relations entre ces pays.
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